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Je vis la maladie de ma mère comme une leçon de vie

par Global Bistrot Mémoire Rennais

 

 

La maladie d'Alzheimer touche malheureusement beaucoup de familles et il est toujours très douloureux d'en parler. Le vivre au quotidien, au jour le jour, et se poser pour écrire nos ressentis touche tellement l'affectif que l'émotion est parfois trop vive pour mettre des mots dessus. Mais j'ai décidé d'essayer...

 

J'ai 48 ans et ma mère, âgée de 87 ans a été diagnostiquée Alzheimer il y a maintenant trois ans, ce qui, au début, a presque été un «soulagement»: on pouvait enfin mettre un nom sur la raison de ses comportements étranges et «excessifs»...

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L'hypothèse de la maladie d'Alzheimer m'a bien effleurée, mais je l'ai chassée... Non! Pas Maman! Pas notre famille! Après le «soulagement» vient le temps des interrogations, des recherches d'informations pour en savoir un peu plus.

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J'ai l'impression qu'en sachant où je vais et en découvrant notre «ennemi», je pourrais mieux le combattre et anticiper les événements. Mais c'est une erreur... Car cette maladie est insidieuse, et nous n'avons pas un  «ennemi» en face de nous, on a juste notre parent, avec toute son histoire et son affectif.

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C'est une maladie qui engloutit toute la famille dans la souffrance et dans l'impuissance, jusqu'à l'épuisement. Jusqu’au jour où j'ai changé d'attitude en cessant de la raisonner lorsqu'elle divague. Attitude qui ne fait qu'appuyer là où cela fait mal et ne nous apporte aucun soulagement. Est-ce le début du renoncement? Ou le début de l'acceptation? Je vis la maladie de ma mère comme une leçon de vie sur le «lâcher-prise». En effet, elle vit tellement dans le moment présent! Elle a gardé son tempérament joyeux et je pense avoir de la chance pour cela.

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Ma seule crainte réelle, en fait, est le jour où elle ne me reconnaîtra plus... On dit que cette maladie nous fait vivre un «DEUIL BLANC», cet événement tragique et douloureux qui nous fait traverser différentes phases d'émotions. Étant moi-même veuve et orpheline de père, je peux confirmer cela, mais au moins elle est toujours là physiquement et même si son esprit s'égare, je peux toujours l'étreindre et lui dire que je l'aime.

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Voilà ce que je peux dire aujourd'hui. Je me permets de citer un extrait d'un poème de Marie Gendron de son magnifique livre Le mystère Alzheimer

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«... Le cœur ne souffre pas d'Alzheimer.

Il capte l'émotion et oublie l'événement.

Saisit l'essentiel et néglige l'accessoire.

Sent la fausseté des gestes et des paroles.

Fuit le pouvoir et réclame la tendresse...»

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Reproduit avec l'aimable autorisation de l'administrateur de la page Facebook Global Bistrot Mémoire Rennais

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Mon commentaire suite à la lecture de cet article percutant

 

Quelle réflexion pleine de vérité et de réalisme! Je me sens pleinement rejointe par cette façon de penser. J'ai accompagné ma chère maman durant sept ans. Elle souffrait de la démence à corps de Lewy dont l'aspect cognitif s'apparente aux répercussions de l'Alzheimer. Eh oui! Ma mère, par sa maladie, m'a fait cheminée.

- J'ai appris à vivre le moment présent à ses côtés et à établir un lien d'être à être, au-delà des mots dont elle ne connaissait plus la signification.

- Et oui, j'ai lâché prise sur mon «ancienne maman» pleine de ressources, pour me centrer sur ma «nouvelle maman» démunie et la rejoindre dans son monde plutôt que d'essayer de la ramener dans le mien.

- J'ai appris à observer les moindres détails pour décoder ce que signifiaient ses comportements «perturbateurs».

- J'ai arrêté de la confronter, de la contredire, de la raisonner, car tout ce qu'elle disait, tout ce qu'elle faisait avait un sens. En tentant de raisonner, en vain, ces personnes atteintes, nous ne prenons pas le bon canal qui justement est en train de se détruire: la personne perd la raison!

 

La crainte du jour où cet être cher ne nous reconnait plus... Oui, fort probablement qu’il arrivera ce jour fatidique, mais cette personne malade a les antennes émotionnelles de plus en plus aiguisées parce qu'elles ne sont plus freinées par son rationnel ou par tout vernis social. Alors elle ressentira encore le respect qu’on lui porte, la dignité qu'on lui accorde et les manifestations d’amour et de tendresse qu'on lui donne avec compassion. Elle continuera d’aimer celles et ceux qui ont tissé un réel lien de confiance avec elle, même si elle ne les reconnaîtra plus avec sa tête.

Ma mère me disait souvent que sa fille Ghislaine ne venait plus jamais la voir, mais qu'avec moi, elle était bien et que, de toutes les personnes qui la visitaient, c'était avec moi qu'elle se sentait le mieux! C'est toute une déclaration d'amour! Elle était en sécurité et en confiance avec moi.

Oui, c’est le suprême deuil blanc quand la personne ne nous reconnait plus, mais elle est encore là et les silences sont pleins… d’amour à l’état pur. Quand cet être cher décède, c'est une étape de vide à assumer...

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Ghislaine Bourque

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