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Journal de rue de l'Estrie 3 $

Article paru dans le Journal de rue de l'Estrie  Édition 1 - Volume 17

Journal de rue de l'Estrie

DEUIL D'UNE EX-PROCHE AIDANTE
Ghislaine Bourque

Que reste-t-il des sept années passées à voir dépérir ma mère qui souffrait de la maladie à corps de Lewy, dont les troubles neurocognitifs s’apparentent à ceux de l’Alzheimer et du Parkinson?

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La destruction progressive du cerveau de cette femme pleine de ressources, je l’ai vécue à la pièce. Tour à tour, j’ai accepté la mémoire défaillante de ma mère, ses propos incohérents, son incapacité à marcher, à se lever, à manger seule, ses mots qui s’étiolaient jusqu'à la perte totale de la parole, la non reconnaissance de ses proches, son regard vide, son sourire disparu…

 

Pour pouvoir accompagner au présent ma «nouvelle maman» et me centrer sur son être resté intact, je me suis résignée à perdre mon «ancienne maman». On nomme deuils blancs ces adieux faits du vivant de la personne.

 

Finalement, la mort est venue… il y a bientôt deux ans.

 

Cette «nouvelle maman», que j’ai découverte en me connectant cœur à cœur avec elle, prend encore beaucoup de place dans mon esprit. Plusieurs souvenirs remontent régulièrement. Je revois son visage inanimé, ses poings fermés que j’arrivais à ouvrir pour placer sa main dans la mienne, ses yeux qui s’entrouvraient une fraction de seconde lorsqu'elle ne voulait pas que je parte. J’entends ses cris de terreur lorsqu'on la tournait dans son lit, ses gémissements lorsqu'on changeait sa couche…

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J’étais bien à ses côtés, dans la pleine conscience du moment présent, même si elle ne me reconnaissait plus, ne parlait plus et vivait dans son monde, les yeux fermés. J’étais en harmonie avec moi et avec elle. Elle me transmettait sa force vitale, ce qui me procurait un regain d’énergie, et ses qualités de cœur émanaient jusqu'en moi. Je parvenais à un état de joie profonde. Nous baignions dans une bulle d’amour infini, sans barrière ni vernis social.

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Cette communion des êtres à nu, bien au-delà des mots, des regards, des sourires, des gestes, me manque. Assumer cette perte incommensurable est parfois difficile.

Deuil d'une ex-proche aidante

Par instinct de survie, je crois, deux semaines après le décès de maman, un puissant élan m’a poussée à écrire mon parcours de proche aidante.  Les souvenirs ont émergé aisément et les mots pour les décrire ont jailli, tel un geyser; tout était limpide. En me remémorant ce que je vivais à son chevet, mon être continuait de se nourrir de sa présence. Ce processus d’écriture m'a été d'une aide précieuse et salvatrice, car je pouvais laisser partir ma mère, tout doucement, à mon rythme.  Ainsi est né le livre Et si perdre la tête rapprochait les cœurs… que vous pouvez découvrir à cette adresse : www.ghislainebourque.ca

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La peine monte encore parfois. Pour me consoler, je me centre sur les périodes de grandes souffrances physiques et émotionnelles de maman. L’impuissance quasi insoutenable que je vivais alors en tentant d’amoindrir ses douleurs, sans succès, refait surface et je me dis : «Enfin, ma mère ne souffre plus». De cette façon, je m’apaise et je peux  accueillir le vide douloureux créé par son départ. J’essuie mes larmes et, lentement, la joie d’avoir vécu des moments aussi intenses et intimes avec celle qui m'a donné la vie reprend son élan.

Et si perdre la tête rapprochait les coeurs...

Malgré mon deuil, j’éprouve de la gratitude envers la vie qui m’a permis de grandir et de goûter à l’essentiel en accompagnant au quotidien ma chère maman dans sa cruelle maladie.

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Le virtuel pour réchauffer les cœurs!

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Prix d'un exemplaire distribué aux deux mois: 3 $ dont 1,50 $ va aux vendeurs dans la rue.

Principaux points de vente à Sherbrooke: Maison du Cinéma - Marché de la Gare - La Grande Ruche - Sercovie  - Estrie Aide - Maxi des Grandes-Fourches - Cinéma Galaxy

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